Réunion d'échanges : "Accueillir l'amiante en déchèterie" (juin 2019 Toulouse - septembre 2019 Montpellier)
Accueillir l’amiante lié à des matériaux inertes, provenant des particuliers, en déchèterie, c’est possible !
Réunion d’échanges sur l’accueil de l’amiante lié à des matériaux inertes, provenant des particuliers, en déchèterie, coorganisée par la DIRECCTE, la DREAL et l’ORDECO.
26 juin 2019 Toulouse - 17 septembre 2019 Montpellier
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L’ordre du jour
- Cadrage réglementaire, en termes d’ICPE, concernant l’accueil de l’amiante lié à des matériaux inertes, en déchèteries, par H. Cheramy et C.Viala, DREAL Occitanie
- La protection des salariés et les formations spécifiques à mettre en place, par J. Anaïs, B. Martin, F. Stang Martin, ML. Fournié, DIRECCTE Occitanie
- Les bonnes pratiques, par B. Vinci, CARSAT Midi-Pyrénées
- Une procédure de mise en œuvre, par J. Poujade, Terroirs & Communautés
L’exposition répétée aux fibres d’amiante entraine des effets pathologiques 20 à 30 après l’exposition. C’est un problème de santé publique qui induit deux millions d’euros par an d’indemnisations. Depuis 1997, l’utilisation de l’amiante est interdite. Il en résulte que toutes les constructions datant d’avant 1997 sont susceptibles de contenir des matériaux amiantés mais il n’existe pas d’inventaire de l’avant 1997, ni d’inventaire de ce qui est stocké, éliminé. Le Plan Régional Santé Travail a défini plusieurs axes par rapport à la problématique de l’amiante. L’un de ces axes concerne l’amélioration de la connaissance et des compétences des différents acteurs (donneurs d’ordre, particuliers, agriculteurs, entreprises de travaux, collectivités et acteurs de la gestion des déchets).
1 CADRAGE REGLEMENTAIRE, EN TERMES D’ICPE
L’accueil de l’amiante lié à des matériaux inertes en déchèterie n’est pas interdit par la réglementation applicable aux installations classées pour la protection de l’environnement.
Les déchèteries relèvent de la rubrique 2710 de la nomenclature des installations classées : « Installation de collecte de déchets apportés par le producteur initial de ces déchets ».
Cette rubrique est composée de deux sous rubriques, la rubrique 2710-1 qui concerne les déchets dangereux (dont l’amiante lié à des matériaux inertes) et la rubrique 2710-2 qui intéresse les déchets non dangereux.
Les déchèteries qui sont autorisées à accueillir des déchets d’amiante liée relèvent du régime de la déclaration si le tonnage de déchets dangereux présent sur l’installation est compris entre 1 et 7 tonnes ou du régime de l’autorisation si le tonnage dépasse 7 tonnes. Or, la densité des déchets d’amiante lié à des matériaux inertes fait systématiquement basculer les déchèteries dans le régime de l’autorisation (2710-1 A).
En collaboration avec la DREAL, l’Ordeco a souhaité informer la DGPR (Direction Générale de Prévention des Risques du Ministère en charge de l’Environnement) de la lourdeur administrative liée au passage à autorisation des déchèteries souhaitant accueillir de l’amiante lié et a demandé la possibilité de revoir les critères de classement de cette rubrique pour prendre en compte ce déchet dangereux particulier. Un courrier en ce sens a été adressé à la DGPR le 27/09/19.
2 LA PROTECTION DES SALARIES
Dès que l’on parle d’amiante, on est confronté au déni. Le déni mais aussi l’insuffisance des exutoires entrainent des dépôts sauvages ainsi que des apports en mélange en déchèteries, caché au milieu des déchets inertes. Le risque existe et l’amiante se trouve déjà dans les déchèteries. Si la déchèterie ne veut pas d’amiante, elle doit s’organiser pour être sûre qu’elle n’en accueille pas de façon forcée (dépôt devant les grilles en dehors des heures d’ouverture) ou déguisée (mélangé à d’autres déchets) et que ses salariés ne sont pas exposés malgré tout.
L’exposition à la poussière d’amiante fait encourir un risque pour les[FSM1] travailleurs en déchèteries. Dans ce cadre, des mesures de prévention et de protection sont nécessaires. Pour les interventions sur des matériaux et des équipements susceptibles de provoquer l’émission de fibres d’amiante (dites interventions sous-section 4 dans le code du travail), la réglementation décrit la démarche globale de prévention afin d’assurer la santé et la sécurité des travailleurs (évaluation initiale des risques, avec détermination du niveau d’empoussièrement pour chaque processus, mise en œuvre de moyens de protection collectives pour réduire l’empoussièrement et la dispersion de fibres, de moyens de décontamination et d’Equipement de Protection Individuel). L’évaluation des risques doit avoir lieu pour chaque processus et les moyens de protection collective et individuelle doivent être adaptés au niveau d’empoussièrement évalué et mesuré. L’objectif est de réduire l’exposition des travailleurs, en termes de niveau mais aussi de durée d’exposition. Il s’agit également d’éviter la dispersion des fibres dans l’atmosphère.
La formation (dite « sous-section 4 ») des agents et des encadrants est obligatoire dès que le salarié risque d’être en relation avec de l’amiante. Il doit y avoir compréhension du risque, du rôle des éléments de protection et de la surveillance médicale. Le CNFPT pourrait peut-être se charger d’organiser une formation mutualisée à l’attention des agents des collectivités. De nombreux organismes de formation existent. Il est cependant préférable de passer par un organisme habilité par le réseau INRS/CARSAT car cela donne la certitude d’une formation conforme à la réglementation (http://www.inrs.fr/services/formation/demultiplication.html). Il est obligatoire que l’organisme de formation dispose d’une plateforme pédagogique pour les mises en situation.
Plusieurs guides sont disponibles (téléchargeables ci-dessous)
- INRS et Ministères
- Professionnels
FNADE Déchets amiantés autorisés en ISDD et en ISDND
Lorsque le déchet d’amiante lié à des matériaux inertes est « non emballé », l’exposition est obligatoirement plus importante. De fait, afin de réduire la durée et le niveau d’exposition et de limiter la pollution de l’environnement, il est préférable que l’amiante lié à des matériaux inertes arrive à la déchèterie déjà emballé. Les particuliers devront donc recevoir l’information avant de venir en déchèterie, notamment où trouver l’emballage adéquat.
La CARSAT rappelle que l’amiante tue, il n’y a pas de remède à certaines pathologies liées à l’amiante. Il faut sortir du déni et mettre en œuvre un accueil de ces matériaux qui permette enfin la protection des travailleurs.
A. Anger, CC Pyrénées Catalanes : l’enjeu de l’accueil en déchèterie est clairement la protection du personnel.
C. Moh, SYMTOMA : comme déjà dit, l’amiante est déjà là. Le SYMTOMA constate des dépôts réguliers, voire quotidiens, devant les portails des déchèteries : les agents sont déjà exposés.
3 UNE PROCEDURE DE MISE EN ŒUVRE
Une proposition d’organisation de l’accueil de l’amiante lié à des matériaux inertes en déchèterie est présentée par Jacques Poujade, Terroirs & Communautés (voir la présentation jointe). Il préconise, suite aux interventions précédentes, d’accueillir l’amiante lié à des matériaux inertes déjà emballé par les particuliers. Un premier rendez-vous permettrait d’expliquer la procédure, de remettre des emballages et EPI (ou d’indiquer où se les procurer). Le deuxième rendez-vous serait celui du dépôt des déchets. L’accueil doit être circonscrit dans l’espace et dans le temps : il doit se faire sur une durée limitée, ponctuellement, à date fixe par exemple, et doit être limité à quelques déchèteries du territoire, sur espace dédié et respectant la règlementation. Les personnels et leur encadrant doivent disposer des qualifications nécessaires et être dotés d’EPI spécifiques.
Les services de l’Etat rappellent que tout est important, y compris la communication qui est faite auprès des particuliers : l’amiante représente un danger il ne faut donc pas communiquer avec des photos sans EPI !
4 ECHANGES & REMARQUES DES PARTICIPANTS
INFORMATION DES USAGERS
G. Sicre, COVALDEM : il y a une absence d’information des usagers des risques encourus, y compris à leur domicile. La sensibilisation des usagers est indispensable pour qu’il n’y ait pas de mélange avec les gravats.
ML. Fournié, DIRECCTE : En effet, la protection des risques liés à l’inhalation de fibres d’amiante est traitée dans plusieurs codes : code de la santé public, code du travail, code de l’environnement. Il y a donc beaucoup d’intervenants différents sur ce sujet. Il faut expliquer les risques aux particuliers pour que les déchets amiantés qui arrivent en déchèterie soit identifiés et emballés, ceci afin de réduire l’exposition des agents.
LES OFFRES DES PROFESSIONNELS
E. Toutain, FERRIE CNS : comment l’agent de déchèterie peut-il déterminer à quel type d’amiante il a affaire si le déchet arrive emballé ? Comment pourrait-il distinguer l’amiante lié à des matériaux inertes de l’amiante dit libre ? Emballer, collecter, transporter, éliminer de l’amiante, c’est un métier. Bien souvent, les particuliers ne savent même pas qu’ils manipulent de l’amiante et les risques auxquels ils s’exposent car les diagnostics sont incomplets. Il faut encourager les particuliers à travailler avec des professionnels sérieux et formés.
D. Lambert, DECOSET : l’amiante est bien souvent caché dans les bennes et il est difficile de faire trier les particuliers. La recherche d’alternatives sur des sites professionnels existants pourrait être proposée et développée.
H. Cheramy, DREAL : l’offre fera le service. Si elle est correctement expliquée aux particuliers ils joueront le jeu car ils ont, aujourd’hui, certainement connaissance de la dangerosité de l’amiante. Ils seront réceptifs et feront, pour la plupart, l’effort de trier. Il y a un vrai besoin et une demande de solutions. Certes il existe des solutions proposées par des professionnels mais elles sont insuffisantes pour mailler correctement le territoire.
ML Fournié, DIRECCTE : c’est une réalité : l’amiante est déjà dans les déchèteries. Il faut sortir du déni. Il est urgent d’améliorer la situation car les salariés sont aujourd’hui exposés de façon répétée. Par ailleurs, il s’agit, dans le cadre de l’accueil en déchèteries, de petites quantités issues de particuliers. Il ne pourra s’agir en aucun cas de grandes quantités issues d’activités professionnelles. Toutes les déchèteries ne doivent pas accueillir l’amiante, il faut ajuster le maillage sur le territoire afin qu’il complète l’offre de service proposée par les professionnels.
J. Poujade, Terroirs & Communautés : dans le cas d’apport d’amiante en mélange avec des gravats, le véhicule doit être refusé par la déchèterie et dirigé vers un site de stockage autorisé (voir la carte jointe au présent compte-rendu).
LA REGLEMENTATION ICPE
MP Bonabesse, CC Bassin Auterivain : le régime de la déchèterie est en 2710-1 déclaration, avec un seuil de déchets dangereux < 7t. Comment faire pour dépasser ponctuellement sans passer par une autorisation ?
H. Cheramy, DREAL : c’est l’objet de la demande qui va être faite prochainement à la DGPR.
A. Bastides, Nîmes Métropole : l’assouplissement envisagé de la rubrique 2710-1 ne sera-t-il pas préjudiciable ? En effet, une autorisation est assortie d’un AP spécifique à l’installation qui encadre clairement le fonctionnement de celle-ci. Ne risque-t-on pas de voir des installations accueillir des déchets dangereux sans encadrement de la DREAL ?
C. Maisano, ORDECO : il ne s’agit pas d’un « chèque en blanc » mais bien d’une dérogation ponctuelle et encadrée au seuil des 7 tonnes. Ceci permettrait aux petites collectivités de proposer ponctuellement le service à leurs administrés de façon encadrée.
J. Poujade, Terroirs & Communautés : la majorité des collectivités n’ont pas les moyens humains et financiers de monter des dossiers de demande d’autorisation et pour autant l’amiante est déjà là. Il faut leur permettre de l’accueillir dans des conditions sécuritaires pour leur personnel et l’environnement.
Remarque : La brumisation n’est pas une obligation règlementaire en termes d’ICPE parlant mais elle est recommandée pour le cadre de la santé au travail.
LE COUT DE L’AMIANTE
B. Mazenq, Syndicat Centre Hérault : les particuliers sont dirigés vers un site privé qui fournit les emballages et les EPI. Le coût de stockage est supporté par la collectivité (idem CC Pyrénées Catalanes). L’amiante coûte cher. Comment éviter de prendre des matériaux qui ressemblent à de l’amiante lié à des matériaux inertes mais qui n’en sont pas afin de ne pas faire gonfler les coûts ? Par ailleurs, les EPI usagés sont des déchets dangereux comportant des fibres d’amiante libres et doivent donc être, eux aussi, emballés après usages et dirigés vers des ISDD.
G. Sicre, COVALDEM : même sans service dédié, l’amiante impacte déjà les coûts de gestion des déchèteries. Si un opérateur de collecte détecte de l’amiante dans une benne de gravats alors toute la benne est reconvertie en déchets dangereux pour un coût de 2 500 € la benne.
Information issue du film de Poitiers : 150 000 € / an pour 100 t collectées et éliminées (inclus la fourniture des emballages), soit ~1 500 €/t prise en charge.
EXEMPLE DE COUTS ET PROCEDURE A NIMES, par Adrien Bastides, Nîmes Métropole
« Entre janvier et juin 2019, ce sont 45 RDV d’usagers sur deux sites (1 collecte par mois sur chaque site) soit une moyenne de 3,8 RDV par collecte. Sur la même période (6 mois), ce sont 63 kits distribués et réceptionnés (1,4 kit par RDV). La très grande majorité des particuliers demande un seul emballage mais il arrive qu’il faille en distribuer 2, 3 voire 4 emballages selon les situations pour permettre la gestion des apports en autonomie. En effet, le particulier doit être en capacité de décharger lui-même sans l’aide de l’agent de déchèterie. Ces apports ont représenté 9,62 tonnes.
Les 63 kits ont représenté une dépense de 5 570 € HT (~90 € HT par kit complet).
Le traitement des 9,62 t représente une dépense de 4 329 € HT (soit 450 € HT/t en stockage).
Le coût induit pour la collectivité est donc (sur 6 mois) de 9 899 € HT, soit une moyenne de 1 029 € HT/t ou 157 € HT par kit distribué ou 220 € HT par RDV pris.
Attention, ces coûts ne tiennent pas compte :
- du transport (a minima 100 € HT par rotation),
- du « temps agent » mis à disposition sur une demi-journée pour réception sur site,
- du coût de de la formation obligatoire,
- du « temps agent » pour la prise de RDV, l’enregistrement des demandes, l’organisation de la prestation,
- de la communication. Essentiellement : signalétique sur site, une information en réunion publique et travail quotidien de sensibilisation des agents d’accueil. »
Nîmes Métropole propose deux types d’emballages en fonction du volume à apporter par le particulier. Les sacs ouverts sont refusés. Une consigne écrite est distribuée aux particuliers qui viennent chercher leur emballage. Les dépôts ont lieu sur RDV le matin puis l’enlèvement est fait par le prestataire de collecte l’après-midi même, ainsi le temps d’exposition des agents est réduit.
A. Metral, Ardèche Agglo : propose une solution peut-être moins contraignante pour la collectivité. En effet, il pourrait également être envisagé un marché dans lequel c’est le prestataire privé qui organise la réception sur la déchèterie avec ses propres agents, bennes et emballages ; un marché global de la réception au traitement.
Documentation complémentaire
Guide INRS - Conception des déchèteries - intégration de la santé et de la sécurité au travail.
INRS - Guide prévention - exposition à l'amiante lors du traitement des déchets
MEEM Bricolage et amiante mars_2016
SEDDRE gestion du risque amiante
FNADE Déchets amiantés acceptés en déchèterie
FNADE Déchets amiantés autorisés en ISDD et en ISDND
WALLONIE Reconnaître l'amiante
POITIERS L'amiante en déchetterie (vidéo)
Installations amiante Occitanie
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