Etude de la Méthode ORDIMIP par le Laboratoire CERTOP

Le problème de la gestion des déchets industriels spéciaux

Le problème de la récupération, de l’élimination et du stockage des déchets industriels a été inscrit sur l’agenda politique au milieu des années 1970 (loi du 15 juillet 1975 et du 19 juillet 1976) et relancé au début des années 1990 avec le vote de la loi du 13 juillet 1992 et du décret du 3 février 1993 (complétés par la loi du 2 février 1995 et le décret du 18 novembre 1996). La loi de 1992 prévoyait l’élaboration, dans un délai de 3 ans, à l’initiative de l’Etat, de plans régionaux ou inter-régionaux d’élimination des déchets industriels, les PREDIS. Ces documents avaient pour but de procéder à un état des lieux incluant le recensement des installations existantes et une étude prospective à dix ans des “ quantité de déchets à éliminer selon leur origine, leur nature et leur composition ”. Le plan devait formuler des propositions pour “ prévenir l’augmentation de la production de déchets ”, pour réduire la quantité de “ déchets ultimes ” et pour mettre en place de nouvelles capacités de traitement, de valorisation et de stockage. La loi indiquait notamment que chaque région devait obligatoirement dans un délai de dix ans disposer d’au moins un centre de stockage de déchets industriels spéciaux ultimes.

Ce dispositif législatif et réglementaire est typique des nouvelles formes de politiques publiques. Il détermine et codifie un nouvel objet et un nouveau domaine d’intervention (le déchet industriel, le déchet ultime), il définit des objectifs (la planification de la collecte, du traitement et du stockage) en énonçant un principe : le traitement de proximité. Il fixe en outre un échéancier et organise des procédures d’information, de concertation et de décision. Par la suite, la loi de février 1995 et ses décrets ont restreint le champ d’application des PREDIS aux déchets industriels spéciaux et ont prévu la possibilité d’élaborer des plans spécifiques pour certains types de DIS. A cet égard, le récent bilan dressé par les services de l’ADEME et du Ministère de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement concernant les 20 plans régionaux approuvés par décret préfectoraux, fait ressortir une très grande hétérogénéité de leur contenu qui peut être imputée à une nomenclature trop imprécise des différentes catégories de déchets autant qu’aux difficultés pratiques de rassembler des données fiables. D’une certaine façon, chaque contexte régional a modulé les critères et les définitions proposées au niveau national pour produire sa définition “ locale ” du déchet industriel  “ en tant que problème à traiter ” et au delà une délimitation du domaine d’intervention de la politique publique concernée

Elaboré en application des directives européennes, le nouveau dispositif législatif adopte le principe d’une gestion de proximité afin de réduire les risques liés aux transports en longue distance et l’exportation de la pollution des régions riches vers les régions pauvres. L’impératif de proximité introduit de fait une entrave à la création d’un marché national et international du traitement des déchets qui peut limiter la rentabilité économique de cette activité. En France, l’application du principe de proximité s’est traduite par le choix de l’échelon régional comme cadre territorial et administratif de gestion des déchets “ autres que les déchets ménagers et assimilés ”. La collecte et le traitement des déchets ménagers font parallèlement l’objet d’une planification dans le cadre du département. L’application du principe de proximité a été assouplie et les arrangements interrégionaux ont été autorisés voire même encouragés entre les régions peu productrices de déchets industriels spéciaux. Enfin, les Régions se sont vues proposées de devenir les maîtres d’œuvre de la gestion des déchets industriels à la place des administrations de l’Etat. Cette mesure de décentralisation n’a eu qu’un succès très limité puisqu’une seule région, la région Midi-Pyrénées  a fait le choix de prendre en charge ce problème.

La procédure d’élaboration des plans prévoit un processus de consultation caractérisée par la mise en place d’une commission consultative présidée par le Préfet de Région et composée des représentants des services de l’Etat, des Conseils Régionaux, des Organisations Professionnelles concernées et des Associations agréées de protection de l’environnement. A l’issue des consultations, le plan est approuvé par un arrêté du Préfet de Région. La commission du plan en suit l’application et établit sur celui-ci un rapport annuel. S’agissant de la procédure de concertation, finalement assez classique, prévue par la loi, les informations disponibles montrent que dans certaines régions, elle a été “ doublée ” par la création d’organismes d’information et de participation, de type agence, observatoire, dotés d’une autonomie, d’un financement et de compétences beaucoup plus larges que celles attribuées aux commissions consultatives chargées “ d’assister ” les Préfets, prévues par la loi.

En fait, leur rôle a été bien au-delà de cette mission. Il semble que, pourvus d’un statut d’association, libres d’organiser leur fonctionnement et de l’adapter aux circonstances locales et disposant d’un financement diversifié, ces organismes médiateurs se sont largement autonomisés par rapport à la procédure formelle et ont joué non seulement un rôle de “ forum de discussion ” (de “ parlement régional ” des déchets industriels) mais ont pu constituer, dans certaines conditions, de véritables “ arènes de négociations ” pour des décisions essentielles comme les choix de localisation des centres de stockage. C’est le cas en Midi-Pyrénées où l’Observatoire Régional des Déchets Industriels (ORDIMIP) a discuté et mis au point un guide de recommandations, lancé un appel à projet, auditionné les industriels candidats et des représentants des collectivités tout en organisant des débats avec la population concernée par les projets de centres.

 

Evaluation de l’expérience de l’ORDIMIP

Dans la perspective d’une réflexion plus générale sur les procédures de décision des“ équipements indésirables ”, l’expérience développée en  Midi-Pyrénées avec la mise en place de l’ORDIMIP présente un double intérêt :

  1. l’analyse de cette expérience de concertation devrait permettre de dégager les principales conditions qui ont favorisé le déroulement “ exemplaire ” de la procédure de concertation et de son aboutissement. Il sera intéressant de comparer ces conditions avec celles qui étaient présentes dans les régions où les procédures ont été bloquées.
  2. il s’agit d’évaluer dans quelle mesure le modèle de concertation de l’ORDIMIP peut être appliqué à d’autres problèmes environnementaux comme par exemple la gestion des risques industriels ou la diminution des pollutions.

Le dispositif de concertation mis en oeuvre en Midi-Pyrénées peut être considéré comme un succès dans la mesure où il a débouché sur le choix d’un site de stockage (les travaux d’aménagement du site de Graulhet ont en effet débuté au 2ème semestre 2001). Une évaluation précise de cette expérience devrait permettre de comprendre les conditions de sa réussite.

Il semble que la plupart des participants jugent dans l’ensemble que la démarche de concertation adoptée a été un modèle “ d’approche collective ” où les rapports des uns et des autres ont été valorisés et où les points de vue ont pu se rapprocher et s’accorder progressivement. Cependant, il est probable que certaines circonstances favorables, externes à la procédure même de choix ont pu jouer un rôle déterminant. En effet, la concomitance et le cumul de divers critères dans un territoire déterminé est probablement une condition générale indispensable à l’obtention d’une solution considérée comme acceptable pour l’implantation d’un site de stockage. Il conviendra de déterminer plus précisément les différents moments et aspects de la procédure de concertation instaurée et d’analyser la façon dont ils ont été ressentis par les acteurs. Dans cette perspective, trois types d’investigation seront conduites :

Cette étude s’inscrit, par ailleurs, dans un projet de recherche plus large réalisé par le CERTOP dans le cadre du programme “ Concertation, Décision et Environnement ” du Ministère de l’aménagement du territoire et de l’environnement. Le rapport final est disponible en version papier au secrétariat de l'ORDIMIP.

 

 

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